La bande annonce du livre de Florence Beaugé, Algérie, une guerre sans gloire, nous indique que F.B. publie un nouveau témoignage accablant pour le général Schmitt, ancien chef d’état-major des armées.
Après Jean-Marie Le Pen, tortionnaire à domicile, c'est au tour du Lieutenant Schmitt, tortionnaire à l'école Sarrouy.
Extrait du livre :
« L’été 1957, comme chaque année en cette période estivale, l’école Sarrouy s’est vidée de ses élèves. Le 3e RPC du colonel Bigeard réquisitionne le bâtiment, de mi-juillet à début septembre, la compagnie d’appui va s’y installer, avec deux hommes à sa tête : le capitaine Raymond Chabanne et son adjoint, un certain lieutenant Maurice Schmitt.
L’école Sarrouy, lieu d’enseignement et de savoir, va devenir un centre d’interrogatoires et de torture, l’un de ceux qui s’inscriront durablement dans les mémoires à Alger, comme la villa Sésini, le palais Klein ou le Café-Bains Maures. »
Et de bien entendu, nous avons avec ce nouveau lieu de torture, une liste impressionnante de torturés algériens.
Mais, qui connaissait l'école Sarrouy, avant la publication par Madame Danielle Djamila Amrane-Minne, en 1994, Des Femmes dans la Guerre !!!
Conférence de presse du Lieutenant-colonel Marcel Bigeard Alger Février 1957.
Chronologie des écrits sur ce fameux centre de torture de Madame Flaurence Beaugé et de Djamila Amrane :
1957 : Algérie rebelle, de jean André Faucher :
Page 125 :
« Ramel et Mourad sont abattus les uns après les autres. Mais lui, le Robin des bois du F.L.N. (c'est ainsi que le journal français L'Expresse le surnommera)
continue à glisser entre les mailles du filet. Mais, les bérets verts du colonel JeanPierre le suivent à la trace... »
1957 : Rebelles Algériens, de Serge Bromberger :
Page 181 :
« L'ultime carré du réseau de pose, allait dans les journées suivantes, perdre ses hommes un à un. Il put encore déposer une bombe boulevard Baudin.
Bakel Saïd fut arrêté le 6 Août 1957, le 10 septembre, il réussissait au cours d'un transfert à sauter d'une jeep de parachutistes »
1960 : La Pacification de Hafid Keramane:
Dans les nombreuses listes, des hauts lieux de tortures de la ville d’Alger, on cherche vainement le nom de l'école Sarrouy, aucune trace.
1961 : Les Algériens en guerre , de Dominique Darbois et Philippe Vigneau :
page XXIV :
« Larbi Ben M'Hidi - Responsable de l'Oranie, arrêté à alger le 25 février 1957 et assassiné dans sa cellule le 4 mars 1957 par le colonel Bigeard en personne.»
Rien sur l'école Sarrouy.
1962 : Mes Souvenirs de la Bataille d'Alger de Yacef Saadi :
Page 109 :
« Malheureusement, cela se passait, juste à l'époque, de l'arrestation de Ghandriche Hacène, alias Zerrouk, alias Safi, ancien responsable de la Région III. »
Et c'est tout !!!
Dans tous ces livres, rien sur l'école Sarrouy.
Il faudra attendre 1994, pour que Amrane-Minne dans son livre de témoignages algériens, sous la dictée de Fatiha Bouhired, nous livre le nom de la martyre de l'école Sarrouy, Ourida Meddad.
La machine était en route....
Page 135 :
« Ils ont envoyé un jeune de 18 ans avec l'argent et un papier à en-tête du FLN. Il a été tout de suite arrêté. Je suis allée me plaindre chez le capitaine Schmit.
J'allais régulièrement à la caserne, boulevard Gambetta. Je voyais qui avait été arrêté, ainsi J'ai vu Ourida Meddad. (11) »
Note de bas de page :
11 Ourida Meddad, née en 1938, militante, Elle est arrêtée en Août 1957, torturée et tué le même mois dans l'école Sarrouy au cours d'un interrogatoire.
Alors, quand est-il exactement, de ce mythe de la torture à l'école Sarrouy.
Son histoire est longue.
Elle commence le 20 Juillet 1957, quand, de retour dans Alger, le lieutenant-colonel Marcel Bigeard, installe son P.C. dans l'école de filles, proche de fort l'empereur, dans les quartiers des Tagarins, sur la commune d'El-Biar.
Les efforts du 3° RCP, du capitaine Leger, et des Zouaves du capitaine Sirvent, permettent de réduire à néant tous les membres restants de la Z.A.A., en moins de quarante-cinq jours.
En octobre 1958,
Témoignages et Documents, dans un numéro spécial, ouvre sa une, avec ce titre : Nous accusons ...
Cet article signé, Boumaza, est une succession de témoignages de torturés communistes et algériens, Nous retrouvons Alleg Henri, Sefta Mohamed, Castel Annick, Castel André.... puis, le témoignage de Safi Yahia :
Détenu à la prison d'Alger. Arrêté dans un dortoir populaire, sur dénonciation (désigné à la police par un homme au visage recouvert d'une cagoule).
Torturé : coups de bottes, de crosse, électricité.
Tortionnaires : des parachutistes du 3° RCPR du PC de l'école Gambetta, à Alger, puis à Birtraria.
« On torture devant lui sa fiancée, Melle. Zerari Zehour, on lui éteint des cigarettes sur le corps, Il a vu, une jeune femme se jeter par-dessus la rampe d'un escalier et deux jeunes hommes morts sous la torture en Août 1957. »
En Janvier 1959,
Témoignages et Documents, ouvre sa une avec une déclaration du Comité Maurice Audin et du Centre d'informations Landy. Dans les pages intérieures, suivent une succession de témoignages d'Algériens, étudiants, qui déclarent avoir été torturés à la villa « Eclair », par deux officiers de zouaves, qui seraient le capitaine Leger et le Lieutenant Di Martino, avec le sergent-chef Mathieu, aidé par quelques musulmans (les bleus), dont un certain Farés.
En décembre 1959,
Témoignages et Documents, numéro 19, ouvre sa une avec la mort de Maurice Audin, sur une double page, nous avons un article sur le centre de tri de Ben-Aknoun. (Voir les quatre photos ci-dessous.)
Dans le paragraphe : Les Absents, nous trouvons ce récit :
« De nouvelles femmes arrivaient chaque jour. Elles nous décrivaient en premier lieu leurs « interrogatoires », puis nous donnaient quelques nouvelles.
Certaines de l'école Sarrouy, nous apprirent le suicide d'une jeune fille de dix-neuf ans. (elle se jeta d'une fenêtre de l'école, pour en finir avec la torture).
La sœur de Z.T., A., se trouvait parmi nous. .... »
Dans un autre paragraphe, ayant pour titre : Avec les bérets verts, nous retrouvons l'école Sarrouy :
« De nouveaux « entrants » arrivent, aussi nombreux, encadrés cette fois par les bérets verts. Certains nous apprirent que l'école Sarrouy rendue aux enfants, on torturait maintenant dans un bains maures, rue Scipion...... »
Sans être un grand journaliste d'investigation, la seule lecture de la description du camp, montre que le narrateur ou la narratrice, n'a jamais mis les pieds au centre de Ben-AKnoun.
Il suffit de lire la description de la disposition du camp :
« Devant nous, le camp très vaste s'étendait. (anciens baraquements où stationnèrent les soldats américains en 1945, et qui tint lieu d'école par la suite). Six à huit bâtiments demi-cylindriques, peints à la chaux, s'alignaient de chaque côté d'une cour rectangulaire sur une centaine de mètres. »
Le rapport de la commission de sauvegarde sur le centre de tri de Ben-Aknoun en juin 1957 indiquait pour ce dernier :
Hébergement : une grande tente.
Journal Officiel de l'Algerie du Vendredi 4 Octobre 1963.
Cette magnifique double page, sera reprise, mot pour mot, à la virgule près :
en 1962, dans Cahiers libres Numéros 41 à 43, de François Maspero,
en 1963 dans Le Peuple algérien et la guerre, de Patrick Kessel et Giovanni Pirelli,
en 1972 dans Bataille d'Alger ou bataille d'Algérie de Mohamed Lebjaoui.
Puis pour enfoncer le clou, nous avons sur le Web, les publications par le journal L'Express, des extraits des Carnets secrets de la guerre d'Algérie de Jacques Duquesne, journaliste à La Croix.
Yacef Saadi, nous avait décrit la nuit du lieutenant Marco.
Jacques Duquesne et ses 42 pages dactylographiées, nous décrivent les lieutenants Fleutiot et Schmitt.
En 2002, le Robin des bois de la Z.A.A., Yacef Saadi, dans son volume II, de la Bataille d’Alger, nous parle de l’école Sarrouy :
Page 371
« Judith Malka non plus n'allait pas être épargnée par l'infortune. Quelques jours après le couple, elle fut à son tour piégée. Arrêtée, elle atterrit pour son malheur dans un des plus grands centres de torture de la capitale : l'école Sarrouy. Et qui dit Sarrouy, en ce temps-là, dit massacres et assassinats…. »
Page 376
« A l’école Sarrouy, les filles sont prêtes à changer de linge à Malka. Et juste au moment où elles commencent à lui retirer ce qui reste de .....
Justement, il y avait là une gandoura, ayant appartenu à une morte dont le nom n'a cessé d'interpeller les consciences de ses bourreaux : Ourida Meddad. Elle avait été sauvagement torturée par l'équipe du lieutenant Schmidt qu'un jour, lasse d'un cauchemar dont elle ne voyait pas l'issue, elle se jeta par la fenêtre de l'école Sarrouy. »
Yacef Saadi récidivera dans son volume III.
Page 156
« Le 6 Août 1957, surprise !
Zerrouk est arrêté, les parachutistes profitent de ce coup de filet pour arrêter par la même occasion Saîd Bakel trouvé dans le même refuge.
Le 10 septembre 1957, Saïd Bakel s'évade, mais sa cavale est interrompue net aux environs d'un bourg de la Mitidja appelé Chebli, lors d'un accrochage avec l'armée ...
En effet, Zerrouk, arrêté, est conduit tout droit vers l'école Sarrouy pour se voir délier la langue par le « spécialistes » que l'on sait..…. »
Pourtant dans ce même livre, page 110, Yacef nous donnait la liste des plus grands centres de tortures d’Alger, étrangement, il n’y avait pas d’école Sarrouy !!!
Quel sacré menteur ce Yacef Saadï !!!
Témoignages et Documents, numéro 19, la double page.
En 1962, l'Algérie indépendant, débaptisera un certain nombre de rues de la capitale, ainsi que quelques noms de villages, pour honorait ses chouhadas.
Le bulletin de l'Office algérien, publie dans son numéro 3, la liste des noms de rues qui avaient changé de noms.
En Mai 1963, le bulletin écrivait :
« Le dernier numéro du « Bulletin », venait de sortir des presses, quand la Délégation spéciale d'Alger se réunissait le 30 Avril 1963, pour rebaptiser des artères de la citée. Nous donnons ci-dessous, le nom des nouvelles appellations qui viennent s'ajouter à celles que nous avons déjà publiées. De même nos lecteurs trouveront les nouvelles dénominations de rues et des places publiques de l'Oranais et de Bône. »
Aucune trace de Ourida Meddad !
Mais, il faudra attendre le 25 Novembre 1963, pour que le Président de la République démocratique et populaire de l'Algérie, M. Ben Bella, en présence de Ferhat Abbas, baptise le lycée d'El-Harrach du nom de Ourida Meddad, en présence du chargé d'affaire de la Chine populaire et du député Magliolo.
Officiellement, ce jour-là, Ourida Meddad, devenait une martyre, mais il n'y avait encore aucun lien officiel avec l'école Sarrouy.
Chronologie de l'année 1963 en Algérie :
19 janvier, Zohra Drif, devenu madame Bitat, inaugure au nom de l'association Djil-el-Djadid une maison d’ enfants de Chouhadas.
20 janvier premier congrès de l'U.F.A. au Palais Bruce.
25 Janvier sous la présidence de MM. Khider et Bentoumi, première réunion de l'A.A.M.V.G.
14 Mars L'association de Zohra Drif est placée sous l'égide du Ministère des anciens moudjahidine et victimes de guerre.
30 Mars Nationalisation des domaines de la Mitidja et des biens vacants.
2 Avril Loi N°63-99 relative à l'institution d'une pension des victimes de la guerre de libération nationale.
6 Juin création d'une commission d'élaboration des manuels scolaires.
On retrouvera lors de l'édition du livre d'histoire, en 1964, le nom de Ourida Meddad. Ce manuel scolaire se termine par de courtes biographies avec photos de Ourida Meddad, Hassiba Ben Bouali et Fadila Saâdane, toutes « martyres » de la guerre.
7 juin, M. Ben Hamida inaugure une plaque à la mémoire des enseignants et étudiants morts pour le triomphe de la Révolution.
8 Juin, le préfet Bellouna pose la première pierre de la Mosquée des Chouhadas.
16 Juillet le décret N°63-255 du 16/7/63 prévois une place plus grande à l'enseignement de l'Arabe.
6 Août L'assemble nationale décide à l'unanimité :
- la création d'exploitation agricole gérée par d'anciens Moudjahidine. - Substantiels avantages accordés aux anciens moudjahidines en matière de loyers d'habitation.
31 Aout Loi N° 63-321 relative à la protection sociale des anciens moudjahidine (emplois réservés).
1 Octobre sur le Forum d'Alger, le président Ben Bella proclame la nationalisation immédiate de toutes les terres des colons français.
4 Octobre, Nationalisation d'importantes entreprises de transports.
5 novembre Nationalisation des entreprises de tabac et d'allumettes.
Discours de M. Boumaza : « Nous sommes en mesure de gérer valablement ce nouvel acquis de la révolution ».
25 Novembre baptême du Lycée Ourida Meddad.
Le livre de François Buy, de 1965, La République algérienne démocratique et populaire, nous donne quelques détails sur le baptême du lycée Ourida Meddad :
« Quand la crise algéro-marocaine se fit un peu calmée, l'opposition se manifesta de nouveau. En décembre, l'assaut fut donné par les femmes de l'assemblée, Mme Bitat mena l'assaut, elle fut appuyée par Bentoumi qui critiqua l'autogestion, par Guerroudj qui s'éleva contre ..... .....
On trouva Bitat comme vice-président du Conseil, Bentoumi à la justice, Medeghri au ministère de l'Intérieur, Boumedienne à la défense ....
UNION NATIONALE DES FEMMES ALGERIENNES
Quant à l'Union Nationale des Femmes Algériennes d'inspiration communiste, le bureau politique n'allait pas tarder à en réorganiser les structures et à en modifier la direction. Avant la fondation de l' U.N.F.A., de nombreuses tentatives d'organisation de cette sorte avaient été faites. Le M.T.L.D. avait fondé, « l'Union des Femmes Musulmanes d'Algérie », le P.C. A. pour sa part avait constitué l'Union Démocratique des Femmes.
Comme les autres courroies de transmission du F.L.N., L'U.N.F.A. préconisa de voter en faveur de Ben Bella en septembre 1963. Elle prit position en sa faveur en toute occasion.
Ce fut sur l'initiative du bureau politique et plus particulièrement de Rabat Bitat, chargé du parti et des organisations nationales, que fut constituée une association des anciens combattants et mutilés de guerre.
Le député Ben Bella fut élu président pour 1963.
Progressivement, les associations d'anciens combattants et de détenus politiques s'organisaient dans le pays. Parallèlement aux associations masculines, se constituèrent des unions de mères, veuves et orphelins de chouhada.
Ce fut pour elles, que Ben Bella et Ferhat Abbas, « inaugurèrent », le lycée Ourida Meddad en présence du chargé d'affaire de la Chine populaire et du député Magliolo. Le ministre des anciens combattants, Mohammed Saïd, fit débloquer des crédits en faveur des anciens combattants.
Il les fit répartir entre les différentes préfectures, le premier crédit fut de 20.000.000 de F.»
Il faudra attendre 1965, pour que le boulevard Gambetta, proche de l’école Sarrouy, ne devienne le boulevard Ourida Meddad.
Cette nomination familiarisera le nom Ourida Meddad, qui rentrera ainsi dans le guide d’Alger de 1972.
La machine a fait son travail, Ourida Meddad est une martyre !!!
Les similitudes de la double page de Témoignages et Documents de Décembre 1959.