Le fabuleux rapport de l’officier de police René Tordoir en date du 1° Avril 1957.
Le rapport pourrait être découpé en deux parties bien distinctes, la plainte de M. Bouali et les références des rapports précédents.
La partie concernant la plainte de M. Bouali, est plutôt folklorique, nous allons la reprendre point par point.
Nuit du Samedi 30 au Dimanche 31 Mars 1957.
Ceux qui était là :
Le gardien de la paix, Auguste Gargiulo, M. Le Boucher Jean-Pierre, voyageur de commerce, client de l'hôtel au 5 étage,
M. Claude Eymard, gérant de société, habitant Oran,et le commandant Bonafos, des connaissances de Le Pen, le veilleur de nuit de l'hôtel, M. Bouali Ahmed.
Les intervenants indirects :
L'officier de police René Tordoir, le docteur Georges Amsallem, 35 rue Sadi-Carnot à Alger.
Les voitures :
une traction, une aronde, une ambulance, une jeep de parachutistes.
Les horaires :
Début 2h du matin pour tous, fin ou retour pour l'agent de police 2h 40 pour M. Bouali, 3h 10 ou 3h 15.
Les Tortures :
Dans un « tombeau » pendant 15 minutes, dans un endroit situé, en direction du boulevard Bru, dont M. Bouali ne sait pas où !!! .
Alger Le quotidien des Algérois en Janvier – février 1957.
Les témoignages de ce rapport sont très pittoresques, mais démontrent qu’il ne s’agit que d’une simple engueulade, même si le lieutenant Le Pen, a tenté de jouer l’officier de renseignement.
Chronologie des faits :
2h du matin, Le Pen et Bouali ont un échange verbal dans le hall de l'hôtel. Le Pen force Bouali à sortir devant l’entrée de l’Hôtel, dans l'avenue Pasteur, juste en face de la S.N.E.P.
Arrivée du policier Gargiulo et échange de parole aigres-doux avec Le Pen.
Arrivée d'une jeep de parachutistes.
Départ de Bouali avec les parachutistes.
Départ de Le Pen, et Bonafos en traction.
Retour de Le Pen, Bonafos et Bouali dans la traction.
Les témoignages :
M. Eymard Claude est le seul à avoir vue la première partie de cette dispute jusqu'à l'arrivée de l’agent de police Gargiulo. Il déclare que Bouali est monté dans la jeep des parachutistes, suivit immédiatement par le départ de la traction.
Le gardien Gargiulo déclare que Le Pen portait des coups de poings à Bouali et le menaçait d'un colt. Qu'il l’a traité de fellagha, qu'il est ensuite montait dans une traction immatriculée 437 BS 91. Il n'a pas remarqué ce qu'était devenu le veilleur de nuit !!!!
Il a vu revenir la traction avec le veilleur de nuit à 2h40.
Le témoin du 5° étage, Le Boucher Jean-Pierre, déclare qu'il a vu Le Pen frapper Bouali à coups de pied. Il a vu trois policiers et une ambulance conduite par un parachutiste qui a emmené Bouali. C'est après le départ de Bouali, qu'il y eu des échanges de parole aigres-doux avec le policier Gargiulo. Il n'a pas vu de colt.
Bouali déclare que Le Pen l'a frappé, sans plus de détail, Il précise que des gardiens de la paix sont intervenus, et que Le Pen les a menacés avec son arme. Il a été conduit dans une jeep par des parachutistes, en direction du boulevard Brun.
Je le cite :
« Je ne puis préciser à quel endroit exact. … A destination le lieutenant m’a fait descendre par un escalier derrière la maison dans un jardin, où il m’a fait pénétrer dans un trou d’un mètre cinquante environ. Il m’a laissé 10 ou 15 minutes dans ce trou….
Comme j’étais fortement contusionné, j’ai été consulté un médecin, dimanche matin 31 mars……. »
Retour à l'hôtel vers 3h10 3h 15.
Vérité-liberté, nous précise : Boulevard Bru, où se trouvait la célébré villa Susine ( Villa Sésini)
Alger Villa Sésini et le téléphérique de Diar El Mahçoul.
Commençons par le plus simple.
Le trajet compte-tenu des dispositifs pris par le général Massu, pour éviter les attentats et la fuite des terroristes, du 5 de l'avenue pasteur, jusqu'à la villa Sésini, il fallait à aller, prend successivement :
L’avenue Pasteur, le tunnel des facultés, le boulevard Saint-Saëns, le boulevard du Telemly, l'avenue Foureau Lamy, boulevard Brun, enfin, le boulevard Laurent Pichat, pour arriver à la villa Sésinin à Belcourt.
Pour le retour, on reprend boulevard Laurent Pichat dans l'autre sens, la rue Fontaine Bleue, on passe devant la rue de Lorraine, où habitait M. Bouali, puis on monte dans l'avenue Général Yousuf, pour aboutir tout en haut de la rue Michelet, qu'il nous faut parcourir dans son intégralité jusqu'à la grande poste.
Tout cela, en moins de 30/25 minutes, si on tient compte des 10/15 minutes de torture dans tombeau.
Le lieu de torture.
M. Bouali habitait à la limite du Champ de Manoeuvres, et de Belcourt, il connaissait sans aucun doute, le téléphérique qui montait à Diar-el-Macoul, il ne pouvait pas ne pas connaitre la villa Sésini, qui était juste à côté.!!!!
La fameuse torture du tombeau, trou de taille variable en fonction du torturé, pour M. Bouali, c'était un mètre cinquante.
Cette référence au tombeau provient d'une photo parue dans le journal l'Humanité de février 1957, elle représentait un trou avec des barbelées par-dessus, avec à l'intérieur des fellahs du bled.
Titre : Guerre d'Algérie : Une vue de la répression menée par l'armée française. Algérie le 3 février 1957. Cote : 83FI/800 12 Au dos de la photo, on avait une mention tapuscrit : Des Algériens sont entassés pêlemêle dans ce trou recouvert de barbelés.
Dans les archives photographiques du journal l'Humanité, cette photo est anonyme !!! Elle est unique, et ne fait pas partir d’un lot ou d’une séquence prise par un photographe de presse.
Algérie Février 1957.
Sans être un grand historien, en lisant simplement le rapport de l'officier de police René Tordoir, on peut dire que Tordoir a demandé à Bouali de porter plainte contre Le Pen et de rajouter la petite séquence de torture dans le trou !!!
Car il écrit :
« Il est à noter que ce n’est pas le premier incident, qui oppose le lieutenant Le Pen à la police …… »
Mais, ce n'est pas le seul argument, il y a le certificat pour constat de coups et blessures.
Dans Vérité-Liberté ,nous avons le nom du docteur, une date et une heure. Il y a une petite erreur, sans doute lors de la frappe sur le jour, cela ne peut pas être le 30 mars 1957 à 9h15, M. Bouali précise dans sa déposition : le dimanche 31 Mars 1957.
Les partisans de la torture à outrance, à la villa Sésini, n'ont pas de chance, comme toutes les villes de France et de Navarre, en 1957, le samedi et le dimanche, il y avait des médecins de garde, et, les journaux publiaient cette information, que l'on pouvait également avoir, en allant au commissariat de son quartier.
Pour le 30 et le 31 Mars 1957, on avait :
Docteur Bastsère, 6 boulevard Laferrière, et, le Docteur Marguerie, 7 rue Auber.
Moralité.
M. Bouali n'a pas pu rencontrer le docteur Georges Amsallem, 35 boulevard Carnot, à deux pas du commissariat central, car, le docteur Amsallem, spécialiste des maladies infantiles, n'était pas de garde !!!!!
Il est clair que l'adresse a été donnée par l'officier de police Tortoir, le lundi 1 Avril 1957 !!!!
La partie torture de cette dispute a sans doute était susurrer par une âme charitable. ( Teitgen, Gille,ect.)
Le Pen était connu pour son dédain à l'égard des fonctionnaires de police, comme il faut le dire, la plus part des Algérois en ce début d'année 1957, qui pensaient à tort, que la police était la complice des terroristes.
Il n'y avait pas beaucoup d'arrestations, comparait aux nombreux attentats individuels, perpétrés par une dizaine de tueurs du FLN.
Echo d'Alger Samedi 30 Mars 1957.
Les diverses références cités dans ce rapport de l’officier de police René Tordoir.
Rapport 748 C 13/1 du 5 Février 1957, dont les exemplaires, 2 et 3 ont été adressés à la Sureté nationale en Algérie et les exemplaires 4 et 5 ont été adressés à L'IGAME d’Alger.
Le procès-verbal n° 636 D du 22 Mars 1957 par le commissaire des gardiens de la paix.
On sait que Le Pen est « une grande gueule », et qu'il dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas, c'était aussi le cas à Alger.
Prenons le rapport N° 748 C 13/1 du 5 Février 1957, le plus important des deux, l'officier Tordoir, nous précise que les exemplaires 2 et 3 ont été adressés à la directeur de la Sureté Nationale et les exemplaires 4 et 5 à l'IGAME d'Alger.
Présenté ainsi, ce rapport semble être à charge contre le Lieutenant Le Pen, alors qu'en est-il exactement.
Note :
J’ai volontairement remplacé le nom du commissaire par un X, son nom ne présente aucune avancée, dans cette histoire de rapport Gille ou Tordoir.
Le 4 Février 1957, suite à une information, le lieutenant Le Pen et sa patrouille de parachutistes, accompagnés par l'officier de police X, se rendent chez un suspect, qui sera d'ailleurs arrêté par l'officier de police.
A son domicile, il y a une autre personne, qui n'avait rien à y faire, conformément au dispositif de Massu, on devait également appréhendée cette personne, même si elle était innocente.
C’est ce qui provoqua l'incident entre l'officier de police X et le lieutenant Le Pen,
Le Pen menaça l'officier X de transmettre, au Ministre Lacoste, un rapport sur cette arrestation.
L'épisode s'est déroulé au domicile du suspect, qui effectivement fut arrêté par le commissaire, mais, le commissaire n'arrête pas un cousin du suspect, présent par hasard lors de la perquisition.
Le lieutenant Le Pen demanda l'arrestation pour interrogation du cousin du suspect, ce que le commissaire refusa.
Et, le lendemain, le lieutenant Le Pen alla s'en plaindre au commissariat central, et, demanda la tête du commissaire X., ce qui fit bien entendu, l'objet du rapport 748 C 13/1 du 5 février 1957.
Cela ne devait pas faire plaisir à la police, mais les ordres étaient qu'il fallait arrêter tout le monde pour vérification, et empêcher ainsi, la diffusion de l'arrestation du suspect, il faut se replonger dans le contexte de ce début d'année 1957, où les attentats journaliers épuisaient la population, il est bon de se souvenir, que la sécurité nationale, n'avait pas pris de bon cœur, le rapt par les parachutistes, des fichiers de la police. Ce qui permit d'ailleurs, aux parachutistes d'avoir rapidement des succès !!!!
On peut dire que Le Pen est une grande gueule, qu'il ne portait pas la police dans son cœur, mais on n'est pas obligé de falsifier un rapport pour parler de torture, et d'y inclure la villa à la mode d'Alger, c'est à dire la villa Sésini.
C'est sans doute, des âmes charitables, du gente Teitgen, qui transmettront à Pierre Chaulet et Mohamed Yazid à Tunis, les informations sur Le Pen, pour rédiger le fameux tract, de juin 1957 :